En d’autres termes, la prosopagnosie est la capacité à reconnaître les visages. D’autres capacités nous permettent de reconnaître une personne connue, comme le timbre de la voix, la silhouette ou encore la manière de marcher par le rythme et la régularité des pas. Mais la reconnaissance des visages est un élément essentiel de reconnaissance des individus. En fait, des études ont montré que le cerveau reconnaît le contour du visage et des éléments saillants qui donnent une particularité au visage, à la manière d’un dessinateur qui croque des personnages en quelques traits.
Cette capacité est située dans un centre de la région occipitale, en arrière du cerveau, dans une petite région très bien délimitée inférieure à 1 cm3. Puis l’information ainsi captée est transportée dans le cerveau vers différentes zones qui contiennent une sorte de bibliothèque de visages. Les informations sont alors comparées aux visages stockés dans les bibliothèques de visages connus, et l’identité peut être alors affirmée. En fonction du visage concerné, la bibliothèque peut être celle de visages familiers, de visages connus autrefois ou de visages de personnages publics célèbres. La perte de la prosopagnosie est observée au cours de la maladie d’Alzheimer, le plus souvent dans des stades évolués.
Quelle épreuve ! Lorsque l’épouse ou la fille, par exemple, sont appelées un jour « madame » par le mari ou le père. Le ressenti est terrible, le proche devient tout à coup lointain, mis à distance. Un sentiment de perte d’identité vient altérer brutalement la relation, l’intimité, voire le sentiment de confiance. Celui qui se consacre à l’aide de l’autre au prix d’efforts souvent importants, se sent trahi, comme mis à l’écart, devenu inutile, non reconnu, dans tous les sens du terme. L’expérience montre que l’explication de la nature du trouble, et du caractère très focalisé de l’altération de la prosopagnosie comme un des signes de la maladie, au même titre que les autres, soulage l’aidant et lui permet de mettre à sa juste place ce qui relève d’un trouble de reconnaissance du visage et non d'une perte d’identité. D’ailleurs ce signe est souvent fluctuant et quelques minutes plus tard, le « madame » distant et cérémonieux laisse place au prénom ou à son diminutif comme à l’accoutumée.